Le recul de l’âge de la retraite serait-il bénéfique à l’économie française ?
Une fois de plus, un organe de presse (en l’occurrence, Les Échos) fait état de documents de travail internes au Conseil d’Orientation des Retraites (COR) avant que ce dernier en ait discuté.
Ainsi, il donne notamment les résultats d’une étude de la Direction Générale du Trésor selon laquelle un relèvement à 63, 64 ou 65 ans de l’âge d’ouverture des droits à retraite permettrait d’augmenter la croissance et l’emploi. Cela appelle plusieurs remarques.
D’une part, les effets estimés par les modèles de la Direction du Trésor seraient en fait extrêmement modestes : une augmentation du PIB de 30 milliards d’euros, en 20 ans, correspond à une hausse d’1,4 % soit moins de 0,1% par an.
Il en est de même de la hausse de l’emploi de 200 000 personnes, par année de report, qui est à rapprocher des 3,5 millions de chômeurs actuels (sans compter les dizaines de milliers de jeunes qui se présenteront au cours des prochaines années sur le marché du travail). Cette mesure, quand bien même ses effets seraient avérés, est donc bien loin d’apporter une solution véritable à la situation de l’emploi et d’améliorer la situation des salariés.
Par ailleurs, le Trésor ne cache pas que cette réforme se ferait au prix d’une hausse (supposée temporaire) du taux de chômage donc un chômage qui viendrait s’ajouter au taux de chômage actuel, déjà insupportable. L’effet bénéfique sur la croissance tiendrait largement à la modération salariale résultant de ce surcroît de chômeurs.
Enfin, il s’agit simplement de simulations développées par la direction du Trésor. Or, comme tout modèle, il repose sur un choix d’hypothèses discutable. En particulier, il repose sur ce que les économistes spécialistes des retraites appellent un effet d’horizon, selon lequel le taux d’emploi des séniors dépend de la distance à la retraite. Plus les salariés sont proches de la retraite, moins ils seraient incités à travailler.
Cela dit, l’article des Échos comporte plusieurs éléments intéressants qui confortent les analyses de la CGT. Ainsi, avec le recul à 62 ans de l’âge de la retraite, 29 % des salariés sont sans emploi ni retraite (ils sont chômeurs, invalides ou tout simplement inactifs) et 15 % sont dans cette situation à 61 ans. Si l’âge de la retraite était encore reculé, des dizaines de milliers de personnes se trouveraient dans cette situation.
Par ailleurs, il montre qu’avec la réforme de 2010, on a assisté à une explosion des personnes en situation d’invalidité, au RSA ou chômeurs en fin de droits.
Le Trésor estimerait que le recul de l’âge de la retraite serait la mesure la plus efficace. Mais, une fois de plus, le débat n’a jamais réellement eu lieu sur la seule vraie alternative : une réforme du mode de financement des retraites telle que la modulation des cotisations revendiquée par la CGT.
À Montreuil, le 12 octobre 2016.